Proche-Orient

Arafat dans un coma « plus profond»

 


Selon les autorités médicales françaises, l’état comateux de Yasser Arafat s’est aggravé durant la nuit. La délégation palestinienne s'est rendue à son chevet dans la journée. Selon des sources palestiniennes, les médecins tentent d'enrayer une héorragie cérébrale. A Ramallah, des préparatifs sont en cours pour que le président palestinien soit enterré dans son quartier général de la Mouqataa.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Après la tragi-comédie de la veille, qui a vu l’épouse du président palestinien hurler que les dirigeants palestiniens venaient à Paris pour « enterrer vivant son mari », les autorités françaises, passablement embarrassées, se retrancher derrière le droit français qui donne tout pouvoir aux membres de la famille des malades, le ton a changé : l’heure est aux décisions.


Ce mardi matin, le médecin-général Christian Estripeau, porte-parole de l’hôpital militaire Percy de Clamart où est soigné Yasser Arafat est venu à la rencontre des journalistes, rompant avec le rythme de ses communiqués de début de soirée, pour lire le texte suivant : « l'état comateux qui avait motivé son admission en service de réanimation est ce matin devenu plus profond. Ceci marque un palier significatif vers une évolution dont le pronostic est réservé ». Ce texte marque une nette évolution par rapport aux jours, et même aux heures précédents et cette évolution ne concerne pas seulement la santé d’Arafat. C’est la première fois qu’un communiqué médical mentionne le fait qu’Arafat se trouve dans le coma. Certes, depuis jeudi soir, des sources médicales anonymes évoquaient un « coma stade IV », autrement dit un coma dépassé, alors que les dirigeants palestiniens parlaient de « coma réversible ». Quant à son épouse, elle est allée jusqu’à prétendre sur la chaîne Al Jazira que son époux « allait bien » et se préparait à rentrer ! Autre différence, contrairement aux précédents communiqués, celui-ci ne précise pas qu’il a été rédigé conformément aux exigences de son épouse.


Position intenable

La crise de la veille rendait intenable la position officielle française, selon laquelle aucune information médicale ne pouvait être communiquée du simple fait de l’opposition de sa femme qui, en droit français, est seule dépositaire de la volonté du malade dès lors que celui-ci est inconscient. On en a eu une indication ce mardi martin, lorsque le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier, a déclaré qu’il estimait « naturel » que les quatre dirigeants palestiniens venus de Ramallah puissent rendre visite à leur président.


S’il subsiste de nombreuses zones d’ombres sur les tractations en cours, il est hautement vraisemblable que les autorités françaises aient exercé des pressions sur Souha Arafat pour qu’elle lève son opposition à une telle visite. Mahmoud Abbas (Abou Mazen), Ahmed Qoreï (Abou Alaa), Nabil Chaath et Raouhi Fattouh ont été reçus par Michel Barnier au Quai d’Orsay dans la matinée et dans l’après-midi à l’Élysée par Jacques Chirac. De Washington, le secrétaire d’État Colin Powell s’est déclaré « impressionné » par la façon dont ces dirigeants ont géré la transition. Les enjeux sont beaucoup trop élevés pour tout le monde pour laisser Mme Arafat les compromettre. Ce qui est en jeu n’est ni plus ni moins que l’unité des Palestiniens ou la guerre civile, la reprise ou non d’un processus de paix avec Israël.
Les réactions unanimement hostiles de la population palestinienne aux propos de Souha Arafat ont rassuré les dirigeants palestiniens, qui ont semblé un instant ébranlés par sa diatribe.


A la mi-journée, les quatre responsables se sont rendus à l'hôpital Percy. Le Premier ministre Palestinien Ahmed Qoreï s'est rendu dans l'unité de soins intensifs où se trouve Yasser Arafat. Les autres dirigeants n'y sont pas allés. Tous les quatre sont repartis sans faire de déclarations.
Le scénario qui semble se dessiner à présent pourrait être l’annonce, durant le séjour des quatre dirigeants palestiniens en France, que le président Arafat est en état de mort clinique et donc dans l’incapacité d’assurer ses fonctions, ouvrant la voie au processus institutionnel de succession prévu par les lois fondamentales de l’Autorité palestinienne. Cela ne préjuge pas nécessairement de la décision de cesser toute assistance cardiaque ou respiratoire, qui demeure l’apanage des médecins et de la famille. Mais désormais, que son cœur continue ou non de battre, Yasser Arafat serait officiellement mort pour les Palestiniens qui pourraient commencer leur deuil et envisager l’avenir sans le « Vieux ».


OLIVIER DA LAGE
09/11/2004
 

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